Article L137-2 du code de la consommation crédit immobilier

Le crédit immobilier est un engagement financier majeur pour de nombreux Français. La législation entourant ce type de prêt est complexe et en constante évolution, visant à protéger les consommateurs tout en encadrant les pratiques des établissements bancaires. L'article L137-2 du Code de la consommation, désormais recodifié sous l'article L218-2, joue un rôle crucial dans cette réglementation. Il instaure notamment un délai de prescription biennal qui impacte significativement les relations entre prêteurs et emprunteurs dans le domaine du crédit immobilier.

Contexte juridique de l'article L137-2 du code de la consommation

L'article L137-2 du Code de la consommation a été introduit par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile. Cette disposition légale stipule que "L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans" . Son objectif principal est de protéger les consommateurs en limitant dans le temps les actions que peuvent engager les professionnels à leur encontre.

Dans le domaine du crédit immobilier, cet article revêt une importance particulière. Il fixe un cadre temporel strict dans lequel les établissements de crédit doivent agir pour recouvrer leurs créances auprès des emprunteurs. Cette prescription biennale déroge au délai de droit commun de cinq ans prévu par l'article 2224 du Code civil, soulignant ainsi la volonté du législateur d'offrir une protection renforcée aux consommateurs dans leurs rapports avec les professionnels du crédit.

Il est important de noter que depuis l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, l'article L137-2 a été recodifié et figure désormais à l'article L218-2 du Code de la consommation. Cette recodification n'a pas modifié le contenu de la disposition, mais a simplement changé sa numérotation dans un souci de clarification et de réorganisation du Code de la consommation.

Champ d'application spécifique au crédit immobilier

L'application de l'article L137-2 (désormais L218-2) au crédit immobilier a suscité de nombreux débats juridiques. En effet, il fallait déterminer si cette disposition générale du Code de la consommation s'appliquait également aux prêts immobiliers, qui font l'objet d'une réglementation spécifique.

Types de prêts immobiliers concernés

La jurisprudence a progressivement clarifié le champ d'application de cet article en matière de crédit immobilier. Sont concernés par cette prescription biennale :

  • Les prêts immobiliers classiques destinés à l'acquisition d'un bien immobilier
  • Les prêts relais
  • Les prêts pour travaux de rénovation ou d'amélioration d'un bien immobilier
  • Les prêts in fine, où le capital est remboursé en une seule fois à l'échéance du contrat

Il est crucial de comprendre que cette prescription s'applique à l'action en paiement du prêteur, c'est-à-dire à sa capacité à réclamer en justice le remboursement des sommes dues par l'emprunteur.

Exclusions et cas particuliers

Certains types de prêts ou situations particulières peuvent échapper à l'application de l'article L218-2. Par exemple, les prêts professionnels, même s'ils sont garantis par une hypothèque, ne sont pas soumis à cette prescription biennale car ils ne relèvent pas du droit de la consommation. De même, les cautions personnes physiques qui se sont portées garantes d'un prêt immobilier ne bénéficient pas de cette prescription raccourcie, la Cour de cassation ayant jugé que l'article ne s'appliquait pas à leur engagement.

Interaction avec d'autres dispositions du code de la consommation

L'article L218-2 s'articule avec d'autres dispositions du Code de la consommation relatives au crédit immobilier. Notamment, il faut le mettre en perspective avec les articles régissant l'offre de prêt, le délai de réflexion de l'emprunteur, ou encore les modalités de remboursement anticipé. Cette interaction complexe nécessite une analyse fine pour déterminer les droits et obligations de chaque partie dans le cadre d'un contrat de prêt immobilier.

Délai de forclusion biennal et ses implications

Le délai de deux ans instauré par l'article L218-2 est qualifié de délai de prescription et non de forclusion. Cette distinction est importante car elle impacte les modalités d'application et les possibilités d'interruption ou de suspension du délai.

Calcul du délai de deux ans

Le calcul du délai de deux ans est un élément crucial pour déterminer la recevabilité d'une action en paiement intentée par un établissement de crédit. Ce délai se décompte de date à date, à partir du point de départ fixé par la jurisprudence. Il est important de noter que chaque échéance impayée fait courir un nouveau délai de prescription.

Par exemple, si une échéance est impayée le 1er janvier 2023, le prêteur aura jusqu'au 1er janvier 2025 pour agir en justice concernant cette échéance spécifique. Ce calcul peut rapidement devenir complexe lorsque plusieurs échéances sont concernées, d'où l'importance pour les établissements de crédit de mettre en place un suivi rigoureux des impayés.

Point de départ du délai selon la jurisprudence

La détermination du point de départ du délai de prescription a fait l'objet d'une évolution jurisprudentielle significative. Initialement, la Cour de cassation avait fixé le point de départ au jour du premier incident de paiement non régularisé. Cependant, par un revirement de jurisprudence marquant, la Haute juridiction a modifié sa position.

Désormais, le point de départ du délai de prescription biennale est fixé à la date d'exigibilité de chaque échéance impayée.

Cette nouvelle approche, consacrée par plusieurs arrêts de la Cour de cassation, notamment ceux du 11 février 2016, a considérablement modifié la donne en matière de crédit immobilier. Elle implique que chaque échéance impayée fait courir un nouveau délai de prescription, ce qui peut s'avérer plus favorable aux établissements de crédit dans certains cas.

Interruption et suspension du délai

Le délai de prescription peut être interrompu ou suspendu dans certaines circonstances, conformément aux règles générales du droit civil. L'interruption a pour effet de faire courir un nouveau délai de même durée que l'ancien, tandis que la suspension arrête temporairement le cours de la prescription sans effacer le délai déjà couru.

Les causes d'interruption les plus courantes en matière de crédit immobilier sont :

  • La reconnaissance de dette par l'emprunteur
  • La demande en justice, même en référé
  • Un acte d'exécution forcée

La suspension du délai peut quant à elle intervenir en cas de force majeure ou lorsque l'emprunteur bénéficie d'un plan de surendettement.

Conséquences de l'expiration du délai

L'expiration du délai de prescription de deux ans a des conséquences importantes. Une fois ce délai écoulé, l'action en paiement du prêteur devient irrecevable. Concrètement, cela signifie que l'établissement de crédit ne peut plus contraindre juridiquement l'emprunteur à rembourser les échéances prescrites.

Il est important de souligner que la prescription n'éteint pas la dette en elle-même, mais rend simplement impossible son recouvrement par voie judiciaire. L'emprunteur reste donc moralement tenu de rembourser, mais ne peut plus y être contraint légalement pour les échéances prescrites.

Protection du consommateur et obligations du prêteur

L'article L218-2 du Code de la consommation s'inscrit dans une logique plus large de protection du consommateur emprunteur. Cette protection se manifeste à travers diverses obligations imposées au prêteur.

Devoir d'information du prêteur

Le prêteur a un devoir d'information renforcé envers l'emprunteur. Ce devoir s'étend tout au long de la relation contractuelle, de la phase précontractuelle jusqu'à l'exécution du contrat de prêt. Il doit notamment informer clairement l'emprunteur sur les conditions du crédit, les risques liés à l'endettement, et les conséquences d'un éventuel défaut de paiement.

Dans le contexte de la prescription biennale, le prêteur doit être particulièrement vigilant à agir dans les délais impartis pour préserver ses droits. Cette obligation indirecte de célérité dans l'action en recouvrement peut être vue comme une protection supplémentaire pour le consommateur, qui ne reste pas indéfiniment sous la menace d'une action en justice.

Formalités à respecter dans l'offre de prêt

L'offre de prêt immobilier doit respecter un formalisme strict, défini par le Code de la consommation. Elle doit contenir un certain nombre de mentions obligatoires, parmi lesquelles :

  • L'identité des parties
  • La nature, l'objet, les modalités du prêt
  • Le taux effectif global (TEG)
  • Les conditions d'assurance
  • Les conditions de remboursement anticipé

Bien que l'article L218-2 ne soit pas directement lié à ces formalités, son application s'inscrit dans ce cadre protecteur global. Le non-respect de ces formalités peut d'ailleurs donner lieu à des sanctions spécifiques, distinctes de la question de la prescription.

Sanctions en cas de non-respect de l'article L218-2

Le non-respect de l'article L218-2 par le prêteur, c'est-à-dire le fait d'intenter une action en paiement au-delà du délai de prescription de deux ans, entraîne l'irrecevabilité de cette action. Cette sanction est automatique et doit être relevée d'office par le juge, même si l'emprunteur ne l'invoque pas.

Il est important de noter que cette sanction ne s'applique qu'aux échéances prescrites. Pour un prêt en cours, les échéances non encore atteintes par la prescription restent exigibles. De plus, en cas de déchéance du terme prononcée par le prêteur, un nouveau délai de prescription commence à courir pour l'intégralité du capital restant dû.

Contentieux et jurisprudence récente

L'application de l'article L218-2 au crédit immobilier a donné lieu à un contentieux nourri, aboutissant à une jurisprudence abondante qui a permis de préciser les contours de cette disposition.

Arrêts de la cour de cassation sur l'interprétation de l'article L218-2

La Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts importants concernant l'interprétation de l'article L218-2 (anciennement L137-2) dans le contexte du crédit immobilier. Parmi les décisions les plus marquantes, on peut citer :

L'arrêt du 28 novembre 2012, qui a confirmé l'application de la prescription biennale aux crédits immobiliers consentis aux consommateurs.

Les arrêts du 11 février 2016, qui ont fixé le point de départ du délai de prescription à la date d'exigibilité de chaque échéance impayée, modifiant ainsi la jurisprudence antérieure qui retenait la date du premier incident de paiement non régularisé.

Ces décisions ont eu un impact significatif sur les pratiques des établissements de crédit et sur la protection des emprunteurs.

Évolution de la position des tribunaux

On observe une évolution de la position des tribunaux vers une interprétation de plus en plus favorable à la protection du consommateur. Les juges du fond, suivant les directives de la Cour de cassation, appliquent strictement le délai de prescription biennale, parfois au détriment des intérêts des établissements de crédit.

Cette tendance se manifeste notamment par une vigilance accrue quant au respect des délais par les prêteurs et par une interprétation extensive des situations pouvant bénéficier de la prescription biennale.

Impact sur les pratiques bancaires

L'évolution jurisprudentielle autour de l'article L218-2 a eu un impact significatif sur les pratiques des établissements bancaires. Ces derniers ont dû adapter leurs procédures internes pour tenir compte du délai de prescription raccourci et de son point de départ fluctuant selon les échéances.

Concrètement, cela s'est traduit par :

  • Une accélération des procédures de recouvrement amiable
  • Une systématisation du suivi des échéances impayées
  • Une plus grande réactivité dans l'engagement des actions en justice
  • Une révision des clauses contractuelles relatives aux incidents de paiement

Ces changements dans les pratiques bancaires visent à concilier le respect de la législation protectrice du consommateur avec la nécessité pour les établissements de crédit de sécuriser leurs créances.

En conclusion, l'article L218-2 du Code de la consommation, en instaurant une prescription biennale pour les actions des professionnels envers les consommateurs, a profondément modifié le paysage du crédit immobilier en France. Son interprétation et son application continuent d'évoluer au gré de la jurisprudence,

renforçant ainsi la protection des consommateurs tout en obligeant les établissements de crédit à une gestion plus rigoureuse de leurs créances. Cette évolution législative et jurisprudentielle témoigne de la volonté du législateur de trouver un équilibre entre la protection des emprunteurs et la sécurité juridique nécessaire aux opérations de crédit immobilier.

Toutefois, l'application de cet article continue de soulever des questions et des débats, notamment sur son articulation avec d'autres dispositions du droit de la consommation et du droit bancaire. Les professionnels du secteur et les juristes restent donc attentifs aux futures décisions de justice qui viendront préciser davantage les contours de cette prescription biennale dans le domaine du crédit immobilier.

En définitive, l'article L218-2 du Code de la consommation s'inscrit dans une tendance de fond visant à renforcer la protection des consommateurs dans leurs rapports avec les professionnels, particulièrement dans le domaine sensible du crédit immobilier. Son application et son interprétation continueront sans doute d'évoluer pour s'adapter aux réalités économiques et sociales, tout en préservant l'équilibre délicat entre les intérêts des emprunteurs et ceux des établissements de crédit.

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